Florian Douetteau

Publié le 12 May 2017 à 15:31 Mis à jour le Publié le 12 May 2017 à 15:31 pour le site

Comment avez-vous connu l'informatique ? ...

Je suis né à Paris ou j’ai commencé l’informatique tôt, sûrement trop tôt ! Dès  5 ans j'ai reçu un Amstrad, le fameux CPC 6128. J'alternais entre les jeux, la programmation musique midi ( il ne fallait pas avoir mal aux oreilles à l'époque) et la programmation de petits jeux stupides en BASIC. J'ai reçu mon premier PC à l'âge de 10 ans. J'ai alors commencé à apprendre  le C avec le fameux livre de référence de Kernighan et Ritchie puis le C++. Je ne comprenais alors pas très bien l'intérêt de la programmation objet, ou du C++ en général. 

 Je programmais des démos en C++, ou des animations graphiques. Les plus jeunes ne peuvent pas connaître mais à l'époque il s’agissait de faire des démos graphiques les plus impressionnantes possibles sur des machines qui avaient des capacités très limitées à l’époque. Il fallait ruser et optimiser pour arriver à faire des choses intéressantes !

Mais je n'ai commencé la "vraie" informatique, avec son algorithmie ses cours et ses concepts en classe préparatoire. Je me suis alors passionné de logique,  de langages de programmation, et de programmation fonctionnelle. J'ai commencé à me constituer un univers où se mêlait Chomsky, Russell, Kierkegaard, OCaml, Wittgenstein, Sen, .. mais oui tout est lié ! 

J'ai intégré l'Ecole Normale Supérieure en mathématiques. L'Ecole Normale est un endroit rare, qui permet d'étudier avec liberté et passion. J'ai rejoint très vite 20 ans une startup qui commençait un moteur de recherche. Elle s'appelait Exalead et  nous étions en plein bulles internet, ou peut-être coincés entre deux bulles !

Très tôt au coeur des technologies de pointe...

Chez Exalead, mon premier projet était de développer  un langage de programmation spécifique à l'entreprise. C'est un projet qui paraît à posteriori un peu fou, mais qui correspond  bien à l'état d'esprit de l'époque où l'on cherchait à faire marcher le Web en courrant après la technologique. Un moteur de recherche était, et est d'ailleurs encore,  quelque chose de très complexe. Je suis ensuite passé de sujets en sujets au sein d'Exalead. La magie d'une startup, c'est aussi que si le marché et la personnalité des fondateurs s'y prête, on peut découvrir plein facettes de la vie professionnelle très rapidement : management, marketing, communication, financements, réussite et échec … J'ai quitté Exalead en 2010, après son rachat pour Dassault Systèmes. J'etais là-bas le responsable de la R&D, d'une entreprise qui était passé de 5 à 150 en 10 ans. C'était une belle aventure. 

Je voulais découvrir un univers différent et je suis alors devenu CTO d'une entreprise qui publiait des jeux sociaux sur Facebook. Le Facebook Gaming était en plein boom en 2010 !  La dynamique d’une entreprise B2C est très différente d'une entreprise B2B, surtout si le produit de l’entreprise est plein de fantaisie. Chez IsCool, tout était basé sur un univers enchanteur de Kiwi. Oui, le fruit. J'ai aussi découvert à la même époque l'univers de la publicité en ligne. Je suis passé chez Criteo, où les problématiques de passage à l'échelle, et l'approche très mathématique du business m'ont rappelé mes premières amours.  

Fonder Dataiku pour réunir mathématiques et informatique !

J’ai co fondé dataiku en 2013 avec comme objectif de construire la plateforme ultime de data science. 

 A l'époque la datascience commençait à exploser et les géants de la Silicon Valley  y investissaient des gros moyens. Nous avons cherché à exploiter l'opportunité de marché qui consiste à démocratiser l'accès à la data science, et de permettre à toutes les entreprises d'en profiter.  Notre vision était de mêler l'aspect mathématique avancé (le "Machine Learning") et l'aspect informatique traditionnelle (la "Gestion de donnée") au sein de la même plateforme, car faire des maths sans données ou utiliser des données sans mathématiques n'a plus de sens de nos jour. Nous avons cherché à rendre notre produit le plus simple d'utilisation pour permettre au plus de gens possible de rentrer dans ce nouvel univers de la "data science". 

Dataiku est de mon point de vue une expérience sans commune mesure. Lancer une startup, c'est surtout monter une équipe, qui crée sa propre culture. Organiser une équipe qui sait collaborer est pour moi la principale satisfaction ! 

J'espère pouvoir faire grandir encore Dataiku en continuant à recruter des gens meilleurs que moi  et à leur faire confiance.  Maintenant que j’ai goûté à l'entreprenariat je ne m'imagine pas revenir en arrière ! 

Quelles sont les prochaines grandes évolutions dans le domaine de la data et de l'intelligence artificielle ?

Evidemment c'est difficile de faire du Big Data sans penser en permanence à la révolution de l'intelligence artificielle. De mon point de vue, les chat bots (robots a qui ont peu poser des questions et avoir des réponses) sont une évolution probablement intermédiaire avant que l’on soit capable de faire des application interactives vraiment intelligentes ! 

Il faudra repenser les interfaces utilisateurs, créer une nouvelle façon d'interagir avec la machine et il faudra surtout que les utilisateurs s'y habituent et l’acceptent. Les interfaces actuelles sont bien trop complexes, trop d’écrans, d’actions….  Même si la technologie suit, cela prendra bien 5 ans ! 

Une autre évolution - qui est  moins visible mais me semble tout aussi importante -   est le changement du mode de prise de décision et de management en entreprise. 

Les managers ont un accès de plus en plus direct à la donnée, et du coup le manager du futur est quelqu'un qui peut lire des données, aller assez en profondeur dans leur compréhension pour faire une analyse et prendre une décision par lui-même. 

J'imagine volontiers une réduction graduelle du nombre de couches de "reporting"  dans les enterprise  car même les managers de plus haut niveau pourront disposer facilement des données et pourront agir plus facilement avec ces interfaces. L'organisation pyramidale classique consistant à faire du reporting et à décliner simplement les demandes des échelons supérieurs va disparaître. 

Dans un même ordre d'idée, des applications "data" mieux pensées a vocation à changer le travail des opérationnels en les laissant se concentrer sur leur métier. Prenons l'exemple du travail actuel d'un banquier qui doit monter des dossiers de demande de crédit. De nos jours, le gros de son travail consiste à comprendre, et en fait souvent chercher à contourner un système informatique trop rigide, qui prend des décisions sans expliquer pourquoi. "Votre crédit ne passe pas ?  attendez je crois que si je rendre ce code et que je mets deux ligne, ça pourrait passer, je réessaie". Le passage de ses applications à une intelligence plus interactive pourra permettre aux humains de retrouver un travail d'humain plutôt que d'interface avec la machine.