Alexandre Goujon

Publié le 12 May 2017 à 15:38 Mis à jour le Publié le 12 May 2017 à 15:38 pour le site

Je suis né et ai grandi en banlieue sud de Paris et suis devenu ingénieur civil des Ponts et Chaussées. Dès 1994 à l'école des Ponts et Chaussées, j’ai eu accès aux premières stations SUN reliées à internet. Ce qui était très tôt et très innovant pour l'époque. Ensuite j’ai effectué en 1996 un stage d’un an chez EDF, sur les voitures et scooters électriques. J’ai toujours été passionné par l’automobile et tout ce qui est électrique.  Le poste avait un aspect R&D et un autre la promotion commerciale et marketing des scooters et voitures électriques : on retrouve ce fil rouge dans mes expériences suivantes  la combinaison de la technologie et du business. 

A la place de ma troisième année d’école d’ingénieur, j’ai suivi un 3ème cycle  en management en alternance chez PSA pour travailler sur la voiture hybride qui arriverait 15 ans plus tard en faisant le “pont” entre la R&D et le marketing. C'était très intéressant d'être en avance de phase. Le résultat n’a été visible que des années plus tard avec la DS hybride. Globalement je n’étais pas fait pour ces grosses organisations. Je voulais démarrer mes propres activités.  L’innovation était déjà  une passion et j’avais envie de monter ma société. 

Je me suis dit qu’il serait marrant d’organiser des séjours par Internet pour les américains qui viennent à Paris. J’ai alors lancé ‘cometoparis.com’. Je suis allé voir les partenaires hôteliers et autres cabarets ou dîner croisières un par un, en 1998 alors qu’Internet débutait à peine en France. Le site a pu démarrer en 1999 avec des publicités sur yahoo.com et mon aventure entrepreneuriale a commencé. Quelques semaines après le lancement, les premières commandes sont arrivées et le site a pu se développer. Il proposait déjà un panier unique pour les hôtels, le transport et les activités ce qui n’existait pas encore à l’époque. C’était très innovant pour le secteur. 

Au départ le site était réalisé par un prestataire technique externe. J’avais développé le backoffice moi-même avec l’aide extrêmement précieuse d’un ami pour automatiser le traitement des commandes. Développer est intéressant car il est bien plus simple de faire le pont entre business et la technologie quand on sait comment parler à ces deux mondes. Le prestataire a fait faillite donc j’ai reinternalisé les développements et depuis j’ai toujours internalisé tous les développements technologiques. 

Le coeur de développement a été réutilisé ensuite pour monter d’autres sites. On est monté en compétences à chaque nouveau site. Tous les sites ont généré du business très rapidement tels que  ‘Soireesaparis.com’, ‘seminaire-paris.com’, ’cometofrance.com’, ‘lafranceautrement.com’ et ‘locationskimoinscher.com’ . Ce dernier a été une  vraie disruption de la location de skis. Il fallait expliquer aux loueurs de ski que l’important n’est pas de louer mais d’attirer des clients pour leur vendre des accessoires ou services. Les commerçants avaient intérêt à louer via ‘locationskimoinscher.com’ à des prix compétitifs pour avoir du flux de clients. La réduction de prix devient un argument marketing ! Un vrai changement de modèle et novateur à l’époque. Il fallait gérer 500 000 prix différents. J’avais développé un système, qui grâce à un traitement matriciel, permettait d’optimiser la réduction pour le client et notre marge ! Le lancement a été un véritable carton avec des clients très vite nombreux et un succès jamais démenti par la suite. Les clients pouvaient économiser des centaines d’euros grâce au site ! 

Tous ces sites ont été participé au changement dans les usages du secteur. Il était possible de servir des clients à distance grâce à une connaissance du local. Un agent de voyage du Minnesota connaît mal Paris donc il n’est pas facile d’organiser correctement un voyage à Paris. Internet à permis aux personnes locales de vendre au consommateurs distants avec cette connaissance locale ! Ces sites avaient également comme caractéristique de servir des clients finaux mais également les partenaires (hôtels…) car ils pouvaient acquérir une clientèle nouvelle. Je gérais personnellement tout ce qui concerne le référencement naturel sur (jusqu'à développer ce qui était nécessaire pour l’améliorer) car notre travail était d’amener des clients à nos partenaires. C’est un travail très important et qui a toujours bénéficié à nos partenaires.

J’ai toujours été très vite bénéficiaire et avec un BFR (Besoin en fond de roulement) négatif. C’est un point important car je n’ai pas démarré avec une fortune personnelle et à une époque où les investisseurs ne s’intéressaient pas au secteur. J’ai du apprendre à être très rapidement profitable pour pouvoir manger à la fin du mois !

J’ai revendu en 2011 tous ces sites a un fond d’investissement dans le tourisme et le digital et suis resté actionnaire minoritaire non opérationnel de la société que j'ai créée. Après 13 ans, il était temps pour moi de passer à autre chose.

Après la revente j’ai fondé une société Innovigo avec Nicolas Baudy. Je l’avais rencontré car il avait fondé ‘tousenfrance.com’ et nous avions été partenaires sur certains sites que j’avais lancés. Je suis alors aussi devenu business angel et consultant. Je cherche à aider les autres à faire le pont entre technologie et business. En ayant été entrepreneur aux débuts du développement d’Internet,… je peux discuter d’égal à égal avec les entrepreneurs. Je sais ce que vivent les entrepreneurs.

La technologie est un levier de richesse colossal mais également très dangereux, comme dit l’adage : "Il y a trois manières de se ruiner, disait le grand Rothschild: le jeu, les femmes et les ingénieurs. Les deux premières sont les plus agréables mais la dernière est la plus sûre."

Il faut arriver à trouver les technologies qui résolvent des vrais problèmes ce qui implique de bien comprendre les deux. Il est difficile de faire du business sur internet sans bien comprendre la technologie et réciproquement. C’est un gros challenge car les business sont encore loin de bien comprendre la technologie avec leurs avantages et les leurs dangers. 

Prenez le référencement,  vous pouvez être bien référencé et être profitable, puis, sur un simple changement d’algorithme de Google, ne plus apparaître dans les résultats et perdre vos clients. Cela peut être dramatique et rapide. 

Il faut apprendre à raisonner dans l’incertitude et l’accepter. L’incertitude est parfois dure à gérer : quand on ne sait pas ce que l’on fera demain. Mais il faut faire avec et apprendre à la gérer.  Il important d’être agile. J’ai arrêté des business quand ca ne marchait pas avant l’épuisement. Il faut savoir arrêter ou changer de modèle quand ça ne marche pas. C’est très dur mais nécessaire pour ne pas tout cramer.

En tant que business angel j’ai investi dans 18 participations avec de vrais innovations et de nouvelles  technologies. J'investis sur l’innovation mais également sur la qualité des opérations. L'exécution fait la différence quand il existe différentes sociétés sur les mêmes idées, il faut des technologies qui marchent mieux que les autres.

Avec Innovigo, nous accompagnons aussi les structures établies pour les aider à se digitaliser. Etudier les marchés, les processus, les disruptions à faire ou les risques d’être disrupté… pour aider les clients. C’est passionnant de lancer des nouveaux business avec nos clients. 

Nous développons en ce moment un observatoire du tourisme pour faire des prévisions sur l’évolution du tourisme. Je redéveloppe donc et j’ai pris du plaisir à développer ces outils. Quand on est ingénieur on le reste je pense !

Les perspectives que je perçois sur la technologie dans le digital. La révolution de l’intelligence artificielle est en place. A la fois formidable car il va être possible de mieux anticiper, mieux assister en devançant les souhaits des consommateurs… et en même temps cela devrait déjà être un sujet de débat démocratique. Internet crée des oligopoles avec un acteur dominant et quelques concurrents. Cela se voit sur tout, du moteur de recherche à la réservation des hôtels. Les fameux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) peuvent avoir rapidement un contrôle total sur l’intelligence artificielle dont nous serons tous très dépendants. D’autant plus qu’ils ont des ecosystèmes, quand vous êtes dans l'écosystème d’Apple, il est difficile d’en sortir car il faut changer de nombreux logiciels, équipements, … C’est dur de changer. Un vrai sujet pour toute innovation c’est de trouver des clients finaux, les GAFAM ont déjà des bases de clients gigantesques, de sorte qu’une introduction d’un produit ou service pertinent peut se faire très rapidement. Aucune société nouvelle ne bénéficie d’un tel avantage. Cela va poser des problèmes de plus en plus importants. 

Les seuls à pouvoir rivaliser sont les opérateurs telecom car ils disposent des réseaux et des clients. Ils ne sont pas encore prêts pour concurrencer les GAFAM mais en auraient le potentiel. 

Le défi de demain sera  d’arriver à profiter des progrès venant des GAFAM mais sans être dépendant d’eux. Quand on est entrepreneur c’est parce que l’on apprécie la liberté !